Magali Roux
Psychologue Clinicienne, Psychothérapeute Psychothérapie de couple / Psychothérapie individuelle Analyse de la Pratique
Psychologue Clinicienne, Psychothérapeute
Psychothérapie de couple / Psychothérapie individuelle
Analyse de la Pratique
Magali Roux

Expériences

Expériences

          

          Le parcours universitaire et professionnel a ouvert sur la rencontre de différents publics accueillis, inhérents aux institutions où il s'est réalisé. 

        Ont été approchés les champs de la souffrance humaine, ceux-ci s’intriquant et se désintrinquant dans l’abord de la naissance, mais aussi de la fin de vie, du handicap, de la protection, des maux somatiques -à travers des lieux diversifiés : en Hôpital Public et Clinique Privée : Unité d'Oncologie, Soins Palliatifs, Chirurgie, Réanimation, Médecine, Maternité/Pédiatrie ; Rhumatologie -Unité anti-douleur- ; au sein d’un SESSAD, en Psychiatrie intra- et extrahospitalière : US enfants, CMP adulte et enfant, ainsi qu’en Centre de Jour pour enfants, maison de l’enfance, Hôpital de Jour pour adultes, EHPAD-.    

       Diplômée dans la spécialisation en Psychopathologie et Psychologie Clinique, la complémentarité du versant Professionnel a été investie : le versant Recherche, ouvrant sur une possible perspective de thèse.    

       La nécessité de rendre féconde la pensée afin de pouvoir proposer un étayage au plus près de l’immersion vécue au sein de cette pratique plurielle, pluralité des souffrances et personnes rencontrées, complexité et multiplicité des institutions en résonnance, s'est présentée.    

      Le besoin d’interroger la boucle rétroactive constituée par la ‘dialectique théorico-clinique’,  la théorie apprise étant mise à l’épreuve, déconstruite et réinventée, dans l’intrication à la pratique dite « clinique », a ouvert sur un processus générateur de nouvelles compréhensions et lectures de l'enjeu thérapeutique.    

     Cette formation en recherche aboutissant à l’écriture d’un mémoire, ouvrira, lors de la pratique, à « réfléchir » ce qui venait mettre à mal le sujet, ce dernier se présentant dans la rencontre à fleur de peau, désorienté, le thérapeute se devant de reconstruire avec lui, un sens, une narrativité, tisser une histoire, que ses angoisses, sa souffrance tant psychique que physique racontait et mettait en scène de manière bien souvent répétitive jusque-là, puisque non entendue.   

 

    Le transgénérationnel, un héritage silencieux dans l'enceinte des mots, tumulteux dans celle des sens.

    Un corps qui parle:

          La problématique du transgénérationnel peut être également génératrice d’angoisses ou de mal-être, les choses n'étant ni binaires, ni manichéennes.

         Est transmise au sujet parfois une histoire privée de paroles, des secrets de famille, ces "fantômes" qui viennent parfois s'actualiser dans les ressentis, psychiques, voire même physiques de ce dernier. 

        Les patients rencontrés au début de la pratique en Clinique au sein d’un service d’Oncologie, ouvrira sur des questionnements et pensées aboutissant à la rédaction d'une forme de contribution au "projet des Soins Palliatifs", travaillant sur les aspects et enjeux inconscients suscités par cet environnement, tant pour les équipes que pour les patients.    

      Voici un petit extrait, une sorte d’arrêt sur image d’un entretien avec une patiente, que je nommerais Melle N. pour préserver son anonymat.

           " Melle N. est une patiente que je rencontre dans le cadre d’une demande émanant d’un soignant soucieux de son état psychique, décrivant  l’avancée de la maladie diagnostiquée par un scanner passé récemment, évoquant alors les métastases osseuses, envahissant les muscles et les poumons de cette dernière.

             Les médecins sont pessimistes et ne lui donnent plus que quelques semaines à vivre. 

             Melle N. a moins de 30 ans, et était déclarée au dernier examen réalisé il y a trois mois de cela, en rémission d’un cancer l’ayant touchée quelques années auparavant.

             Des douleurs étaient  récemment  apparues, ce qui l’avait conduite à l’hospitalisation, et à l’investigation d’imageries ayant révélé l’autolyse déclarée.

            Prenant connaissance de ces éléments quelques minutes avant de me présenter, je vais à sa rencontre.

            Nous échangeons spontanément et de fait prudemment. Ce qui me frappe en entrant dans la chambre, c’est qu’elle semble avoir à peine seize ans, et ne porte pas  les affres de la maladie. Elle me dit avoir été déçue par un psychologue qui la suivait avant son arrivée dans le service, et ne pas vouloir revivre cela. Je suis alors étreinte par l’idée que je connaissais les résultats de son examen, mais que je ne pouvais rien en dire à ce moment-là,ne pouvant aller à l’encontre, seule, des ‘consignes’ données, sans avoir échangé au préalable avec les différents protagonistes du soin.

           Parlant peu, et à voix basse, m’obligeant à redoubler d’attention pour comprendre ce qu’elle me disait, elle m’évoque ses douleurs, ses doutes, le silence ou l’explication évasive répondant à ses questions concernant les résultats des investigations médicales.

           Nous convenons de nous revoir avant sa sortie. 

           En arrivant le lendemain matin à mon bureau, un message sur mon répondeur m’accueille, Melle N. me demandant si je pouvais venir le matin même, sa sortie étant prévue l’après-midi.

           Lorsque je la rencontre de nouveau, il est alors question de cauchemars récurrents, qui la conduisent à évoquer la sœur de sa mère, décédée quelques semaines avant sa naissance. Tout en l’écoutant, je peine toujours à réaliser que cette patiente est envahie de métastases et condamnée dans le discours médical à une mort certaine.

           Je l’écoute attentivement, étonnée et touchée par l’histoire qu’elle évoque.

           La  jeune sœur de sa mère est décédée à l’âge de seize ans d’une leucémie foudroyante, et était décrite dans le discours maternel, comme parée d’une grande beauté et d’une intelligence fulgurante.

            Melle N. relate avoir été le « bébé » qui devait guérir ses parents, meurtris par la blessure terrible causée par cette perte. La patiente a pour sa part mené de brillantes études, gardant toujours le sourire et le moral, tentant de se conformer à ce qui était attendu d’elle. La première image que j’eue de cette patiente en entrant dans la chambre me revint alors en mémoire.

           C’est ainsi que je compris qu’elle s’était mise à incarner elle-même cette petite fille modèle, sans failles apparentes: comment ne pas penser que cette patiente avait été prise dans une projection familiale identifiante à cette tante décédée ? Que son rôle était de la faire vivre à travers elle, pour              compenser son absence, la remplaçant, ‘devenant’ elle-même cette tante. Je ne pouvais bien sur pas l’évoquer comme tel, Melle N. n’en ayant pas conscience.

           Cette « collusion » troublante évoquée alors à mots couverts, donnera à vivre plusieurs insights de la part de la patiente. Au gré de ceux-ci, elle  commence par me narrer le temps de l’annonce de son cancer, il y a plusieurs années de cela. Elle n’avait pu s’empêcher de penser sur le moment: " mais comment vont  réagir mes parents ? Je n’avais pas le droit d’être malade, j’étais celle qui devait leur rendre la vie" (et la vie de cette jeune tante). 

           Elle ajoute alors avoir dû porter les habits de cette tante durant son enfance, ainsi que son prénom, l’identification devenant de plus en plus consciente au gré de nos échanges toujours prudents. Comme si cette tante n’était jamais partie, et que son "fantôme" hantait la psyché familiale et de fait, Melle N.

            Un autre souvenir vint alors à sa conscience: le jour de ses vingt ans, elle avait décidé de donner une fête et de recevoir ses amis. Mais ses parents ne l’entendaient pas ainsi, et lui auraient rappelé qu’elle devait fêter les vingt ans…du décès de sa tante. 

            Les dates coïncidant, les identités s’entrechoquent et se mêlent, la patiente ne sachant plus qui elle est. Un fantôme, une ombre, pesant sur elle, gommant tout sentiment d'individualité, d'identité alter. 

           Je comprends aussi que cette identification inconsciente, (impulsée par la figure maternelle), à laquelle elle était aux prises, commençant à se manifester consciemment au grand étonnement de la patiente au décours de cet entretien, faisait entrevoir dans un éclair glaçant le sort de cette tante, et en miroir le sien propre, auquel les médecins la prédestinaient.

            La compréhension de cette figure de la tante encryptée à même le corps de la patiente, par un processus projectif  identifiant, créait l’effet d’un douloureux choc, percutant, dans ce qu’il laissait présager. Sa destinée identificatoire semblait être écrite, un autre souvenir lui vint encore pendant que ces pensées me traversaient.

           Au collège, elle disait à ses amis que de toute façon « il ne lui arriverait rien avant ses 16 ans », réalisant à travers ses remémorations à quelle place elle avait été assignée depuis sa plus tendre enfance, et quel long combat elle avait livré pour tenter de s’appartenir en propre. Arrivée à la faculté, à l’âge de sa majorité, elle fit enlever ce second prénom de sa tante.

           Aussi, si le décollement et la différenciation d’avec le fantôme (dans le fantasme) de sa tante ne pouvaient se faire à un niveau psychique, par défaut ils tentaient dans un  premier temps, dans un premier mouvement de survie psychique, de s’inscrire à un niveau symbolique.  

          Je fus traversée par l’idée que la maladie était aussi fantasmatiquement un moyen pour se couper de cette identité qui n’était pas sienne, en « tuant » d'une certaine manière la tante en elle, pour pouvoir enfin dire : « je ».

          Se libérant par là même de cette identification endocryptique, mais dans un processus mortifère signant autant la tentative que son échec. C’était bien son propre corps qui était touché dans la réalité, et qui se mourait dans l’identification aliénante.

           Nous continuons à échanger longuement, et la patiente, au terme de l’entretien, dans cette quête et cette ressaisie identitaire dont il est question, afin « de découvrir qui elle est », souhaite me revoir dans le cadre de consultations externes.

           Elle se dit surprise d’avoir tant parlé, cela ne lui  « ressemblant pas », car je ne lui avais pas posé de questions particulières, venant de saisir quelque chose de son identité à bras le corps. Cette identité qui, là encore, était meurtrie par le souhait des parents qu’elle ne « sache pas » ce qu’il en était de sa maladie.

          Je me disais que ce travail de « décryptage », d’authentification  de la projection familiale (et surtout maternelle) aurait du être fait « plus tôt » pour éviter peut-être un peu « magiquement » le déroulement mortifère qui lui était prédit, prise dans une crypte signant l’apoptose à venir.

          Mais rien n’aurait été moins sûr, et ces pensées étaient le signe de l'impuissance du thérapeute.

Si une psychologisation de la maladie, ainsi qu’une causalité psychosomatique sont des dérives à éviter (et je suis la première à le prôner)…comment ne pas être troublé par cette histoire qui se déroulait à               l’insu consciente de cette patiente ?

          Comment ne pas être tenté de penser l’intrication psyché-soma en terme (ici) de relais du corps sur la psyché, pour raconter son histoire peuplée  de  tâches aveugles, de non-dits, de projection et d’assignation douloureuse ? Qui ont trouvé ici à se parler à travers les maux du corps, à défaut de           mots posés, de paroles délivrantes-délivrées.

          La tâche aveugle liée à cette assignation aliénante, la privant de son statut de sujet, venant se parler dans un « délire du corps », plutôt qu’un « délire » de la pensée, Melle N. me faisant part de sa « crainte de devenir folle », lorsque, enfant, elle avait été saisie autant qu’effrayée par l’idée d’être la « réincarnation » de sa tante…"

 

         Si une causalité psychique, univoque, directe et simpliste sur les maladies somatiques n’existerait pas, l’intrication elle, semblerait réelle, le hasard, lui, n’existant sans doute pas non plus…seules les co-ïncidences subsistraient.

La maladie aurait ainsi pour Melle N., réactualisé dans le corps, une souffrance privée de paroles.

         La souffrance jusque là muette est parlée, voire criée par le corps, réveillant douloureusement des questionnements opacifiés, dissimulés derrière un écran de fumée brusquement soufflé.

        Tous porteurs d’une potentielle maladie, est-ce une interaction explosive -véritable cocktail Molotov- étiopathogènique, déterminée par celle d’un terrain physiologique favorisant, et d’un environnement, ainsi que d’un psychisme en déroute (consciemment et/ou inconsciemment) empreint de tâches aveugles, qui déclencherait celui-ci ?

       Tout autant de vecteurs plurifactoriels à l’œuvre, pluridimensionnels, pris non seulement dans une dialectique entre externe et monde interne, mais également entre vie historique, génétique, ainsi qu’intra-, inter- et trans- subjective, (voire sociale), pour le sujet souffrant. 

      Pour éclaircir ce propos, voici des extraits du récit de C. Hitchens, écrivain dit polémiste, souffrant  d’un cancer en 2011, évoquant l’analogie entre un « corps étranger » , et sa fonction symbolique :

                « Traitant la tumeur dans mon œsophage d’ « étrangeté aveugle et sans passion », je suppose que même moi je n’ai pu m’empêcher de lui attribuer certaines qualités d’une chose vivante. Pour exister, un cancer a besoin d’un organisme vivant, mais il ne peut même pas devenir un organisme vivant. Toute sa malignité -voilà que je recommence- réside dans le fait que le « mieux » qu’il puisse faire, c’est de mourir avec son hôte. Ou bien c’est ça, ou  bien son hôte trouvera les mesures permettant de l’extirper et de lui survivre. »p.17 [2].

       Le représentant d’un être vivant affleure découvrant potentiellement dans le fantasme inconscient, un parent, une personne ? Dé-métaphorisant l’emprise à une figure parentale aliénante, et à ses projections identifiantes, par le truchement de la maladie grave ? Qui dit « tu meurs » ?

Il rajoute :  

               « Avec une vie infinie va une liste infinie de parents et d’alliés. Les grands-parents ne meurent jamais, ni les arrière-grands-parents, les grandes- tantes…et ainsi de suite en remontant à travers les générations, tout le monde est vivant et donne son avis. Les fils n’échappent jamais aux ombres de leurs pères. Ni les filles à celles de leurs mères. Nul ne prend jamais possession de soi[3]…Tel est le prix de l’immortalité. Aucune personne n’est entière. Aucune personne n’est libre ». p. 100.    

 

       Il raconte ici combien il n'a pas pu s'appartenir en propre, persuadé d'être comme "possédé" par ses ascendants vécus comme un cancer, le recouvrant, l'effaçant. Mourir, dans ce que cet auteur donne à lire, serait le seul destin, pour se libérer de ces ascendants qui ne meurent jamais.

Le travail thérapeutique tendrait vers l'identification et la libération de ces assignations-effacements de place, celles-ci parlant parfois de comment le sujet peut être parfois toujours perçu comme un enfant par son entourage.

L'éclairage donné ici concerne la pratique propre au service d'Oncologie et vient donc interroger une posture extrême où le patient se débat dans une lutte pour la vie. Ce que j'ai souhaité partager ici vient incarner possiblement le sens que l'on peut mettre sur l'intensité de la force des résonances d'une aliénation inconsciente. Au sens d'une a-liénation (littéralement sans ou pas de lien).

       On ne déclenche pas une maladie parce que l'on va mal psychiquement, il n'y a pas de causalité psychique réductrice à la maladie somatique, mais on peut relire et réinterpréter l'histoire du sujet par le biais de la pensée et de la parole, lorsque l'on est touché dans sa chair, pour trouver un sens et un écho à ce qu'il se passe en et pour soi.

       L'accompagnement des patients en rémission conduisait bien souvent à un travail dans l'après-coup de réappropriation de leur histoire. 

      Le chemin thérapeutique pourrait aider à libérer le sujet de ce dont il est jusque le porteur à son insu consciente, acteur et prisonnier,  l'enjeu étant peut-être d'oeuvrer justement en ce sens, de se donner le droit à l'existence, à être soi, adulte, rendant possible le fait de dire non, de se positionner, d’être entendu, de s’appartenir.

       Dans la visée de se délivrer parfois de mouvements d’emprise exercés à l'encontre du sujet, liens invisibles qui pouvaient tapisser l’arrière-fond de l'inconscient et conduire sa vie.

  

      Tout le travail d'élaboration psychique est ajustement constant entre le thérapeute et le patient, les idées se liant au gré des échos et des résonances construits au coeur du lien thérapeutique.

        L'ouverture d'un cabinet de Psychologie en libéral en 2016 a rendu possible, par la pérennité du cadre proposé, les suivis, afin de pouvoir poursuivre ce travail.


[1] Terme de Freud S. (1900), "L’interprétation des rêves", trad. franç., Paris, PUF, 1967 ; concept repris et développé, enrichi par René Roussillon, Professeur de Psychologie Clinique et de Psychopathologie à l'Université Lumière Lyon II, Psychanalyste - membre de la Société Psychanalytique de Paris-. Concernant la suspension de la théorie dans l'abord de la pratique: se référer à l’explicitation de René Roussillon dans « Manuel de la pratique clinique en psychologie et psychopathologie », éditions elsevier masson, 2012, 245 p./ pp. 12 et 13.

[2] Extrait du livre de Christopher Hitchens « Vivre en mourant », édition climats, 2013,117 p.

[3] En italique dans le texte.

Magali Roux à Tresserve

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